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tout compte fait / tout compte#11

l’avenir serait végétal…

Le plastique… pas si fantastique ! Héritage des boomers, apparu dans les années 60 avec la société du jetable et du « tout pétrole » de nos parents et grand parents, le plastique s’est très vite rendu indispensable, notamment en matière d’emballage : protéger le produit, préserver la qualité du contenu, augmenter sa durée de vie, garantir la sécurité du consommateur, etc.

 

On le retrouve aujourd’hui principalement dans les emballages à usage unique et son bilan environnemental très défavorable a conduit les législateurs à s’emparer du sujet : en Europe au travers de la Directive (UE) 2019/904, en Suisse au travers de la Loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE) et ses ordonnances d’exécution, notamment l’Ordonnance sur la réduction de la pollution par les produits (ORPP). Si les transpositions nationales sont effectives et fidèles aux principes du texte européen, l’UE déploie un arsenal réglementaire plus contraignant que ses voisins helvètes sur ce sujet, allant jusqu’à interdire certains produits en plastique et contraindre à des taux de recyclage. Depuis 2016 en France, les sacs plastiques à usage unique (<à 50 microns) sont interdits en caisse. En 2017, l’interdiction a été élargie à toutes les utilisations. Entre 2020 et 2021, l’interdiction des plastiques à usage unique s’est étendue à la vaisselle jetable, les touillettes et pailles, les cotons-tiges, les bouteilles d’eau dans les restaurants scolaires. En 2022, ont été interdits les bouteilles distribuées dans des établissements recevant du public et dans les entreprises, la vaisselle jetable dans les fast-foods, les sachets de thé en plastique. Dès 2040, seront interdits tous les emballages plastiques à usage unique.

 

Recyclage

L’UE vise 55 % pour 2030 pour les emballages et déchets d’emballage. Ce taux était en 2018 de 31% dans l’UE (40 % en Suisse) pour tous les plastiques et 58 % pour le PET (82 % en Suisse en 2020) avec de fortes disparités reliées aux dimensions culturelles et réglementaires, le nord de l’Europe (Allemagne, Suisse et Scandinavie) étant plus avancé en la matière. Les freins demeurent, notamment décontaminer les flux de recyclage, séparer les plastiques et réduire la dépendance à l’exportation de déchets plastiques vers d’autres pays.

 

Les consommateurs

Ils se déclarent favorables aux changements. Plus de la moitié (57 %) se déclarent prêts à payer plus pour un produit plus respectueux de la planète, pendant qu’une très large majorité (85 %) se disent favorables à l’interdiction des emballages à usage unique. Le chemin est encore long. Les comportements mesurés ne corroborent pas (encore ?) tout à fait les déclarations et la compétitivité prix du « recyclé » ou du « bio-sourcé » reste à parfaire dans de nombreux secteurs.

 

Les industriels

Rendues co-responsables des objectifs de recyclage, la plupart des entreprises y voit fort heureusement un axe de travail stratégique, et in fine un moyen de se différencier de la concurrence. Pour autant, le relâchement des réglementations, aux USA et en Chine notamment, l’instauration de barrières douanières déguisées, accompagnées de politiques de soutiens publics massifs aux acteurs nationaux sur certains marchés complexifient la compétition mondiale pour les acteurs européens (coûts de revient, délais, accès aux marchés) et leurs trajectoires carbone. Jean Vigneron, directeur industriel de Maped, leader mondial des instruments d’écriture scolaire, s’appuie sur les usines chinoises, françaises, mexicaines et tunisiennes du Groupe pour élaborer avec son actionnaire familial une stratégie de long terme sur le chemin du « zéro plastique ». S’écartant de la vision de court terme du seul Bilan Carbone, cette vision « à 10-15 ans » de la trajectoire carbone (SBTI) de son groupe s’inscrit dans la volonté de respecter les accords de Paris sur la limitation du réchauffement, et s’appuie sur le soutien actif de son actionnaire. « Cependant, le seul levier des économies ne permet pas d’atteindre cette trajectoire… » Jean Vigneron et ses équipes ont donc lancé des projets à moyen-long terme pour élargir l’ambition et le spectre des leviers : recyclage et recours aux matières recyclés, réduction des consommations, augmentation de la part des matières recyclées (notamment), innovation matières, R&D, bio-sourcing : « l’avenir sera végétal », nous déclare Jean Vigneron, appuyé par son actionnaire familial pour revisiter tous les capex industriels à l’aune de cette vision résolue, économie circulaire : reconditionnement, seconde main et location au programme pour le bon élève Maped, conscient qu’il doit imaginer de nouveaux modèles d’affaires pour faire décoller ce volet de ses activités, et faire bouger les lignes côté consommateurs.

 

Le secteur de la cosmétique avance également comme l’évoque un article de ce numéro avec Trasce. Après EcoBeautyScore, initiative lancée par 36 marques du secteur et plus de 70 parties prenantes du secteur autour d’un score d’impact environnemental sectoriel, ce sont quinze marques qui ont rejoint le projet Trasce initié par Chanel. à suivre.

Indéniablement poussées par les évolutions réglementaires et les consommateurs, les industriels avancent sur le chemin du « zéro plastique », sorte de ligne de crête sur laquelle les marges de manœuvre demeurent restreintes, les risques de faux pas sont potentiellement nombreux (choix d’investissement, sourcing fournisseurs, approvisionnements, choix de trajectoire carbone, stratégie marketing et communication, etc) et se paient durablement très chers.

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Marina Defour & Henri Kieffer

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